Publié le 4 janvier 2022
Des listes d’espèces qui s’allongent, une profusion de données qui pourraient paraître contradictoires au non spécialiste…Comment les scientifiques font-ils le tri pour mieux étudier le début de la 6e extinction de masse?
Aujourd’hui, 194 000 espèces sont connues dans notre pays, outre-mer compris. Ce nombre ne cesse de croître, avec environ 90 espèces nouvelles décrites chaque année en France métropolitaine. Pour la faune, il s’agit essentiellement de petits invertébrés. Les découvertes ont généralement lieu dans le sud, en Corse, ou en montagne, car on y trouve beaucoup plus d’espèces endémiques, c’est-à-dire présentes exclusivement en un endroit du globe avec des exigences écologiques précises. Un autre mécanisme alimente cette hausse : certaines espèces autrefois confondues sont aujourd’hui différenciées, souvent grâce à des analyses génétiques. C’est ainsi qu’une nouvelle espèce de crapaud a récemment été reconnue, le Crapaud épineux. Présent dans le sud de la France, il était auparavant confondu avec le Crapaud commun, morphologiquement proche et implanté au nord.
Les listes rouges des espèces menacées représentent l’outil de référence pour estimer le risque d’extinction à différentes échelles : mondiale, française, régionale. Environ 15 à 30 % des espèces y sont considérées « menacées », c’est-à-dire qu’elles présentent un risque non négligeable de s’éteindre dans les 100 prochaines années. Parmi elles, les amphibiens apparaissent particulièrement fragiles face aux changements globaux. Mais la biodiversité ne saurait se réduire au nombre d’espèces. L’abondance est un autre marqueur. Le programme de Suivi temporel des oiseaux communs (STOC), par exemple, fait apparaître une diminution du nombre d’oiseaux, même parmi des espèces encore courantes.
Il ne fait aucun doute qu’à l’échelle planétaire, la situation est extrêmement préoccupante. Il existe des débats scientifiques sur des subtilités dans l’interprétation des données. Selon les échelles observées, le nombre d’espèces peut par exemple rester stable. Par endroits, ce nombre augmente même, mais les communautés d’espèces sont en fait profondément modifiées. C’est notamment lié à l’arrivée d’espèces exotiques envahissantes, d’espèces thermophiles* bénéficiant du réchauffement climatique, ou à la régression d’espèces spécialistes qui souffrent par exemple d’une perte de leurs habitats et laissent la place à des espèces plus généralistes. Si ces débats peuvent troubler la compréhension du grand public, ils font partie des processus inhérents à la démarche scientifique. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, le consensus est général pour affirmer que la biodiversité va mal.
L’enjeu est de renforcer les suivis des espèces et des écosystèmes pour disposer de données solides sur la biodiversité actuelle et sa trajectoire. Nous pourrons ainsi quantifier l’effet des actions menées pour freiner son déclin afin de favoriser ce qui fonctionne. Le programme de sciences participatives Vigie-Nature, du Muséum national d’histoire naturelle et de l’Office français pour la biodiversité, ou l’application INPN-Espèces permettent maintenant à tout un chacun de contribuer à cette collecte de données. Par exemple, grâce à ces dispositifs, il a été observé un effet positif des zones protégées sur les abondances des oiseaux. Depuis l’interdiction de l’usage des pesticides en ville en 2016, un « retour » des insectes a aussi été remarqué par certains naturalistes. Nous sommes peut-être aujourd’hui à un tournant et les principales solutions sont connues.
Prolongez votre lecture avec un article de Julien TOUROULT paru dans le n° 31 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature. Téléchargez aussi l’application Espèces sur votre téléphone mobile pour participer au recensement de la biodiversité.
Thermophile : vivant à des températures élevées.