Réintroduction de saxifrage œil-de-bouc

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Affectionnant tout particulièrement les tourbières, cette jolie fleur aux pétales jaunes ponctués d’orange est considérée «En danger critique d’extinction» en France et en Suisse. En effet, depuis le XXème siècle, elle ne cesse de régresser partout en Europe: il n’en subsiste en France plus qu’une seule station, située dans le Haut-Doubs. Un plan national d’action visant à favoriser sa conservation a d’ailleurs été mis en œuvre. La responsabilité de la Bourgogne-Franche-Comté dans la conservation de ce trésor du patrimoine naturel régional est donc toute particulière...

Après plus de 10 ans de travail de recherche, le Conservatoire botanique national de Franche-Comté–Observatoire régional des Invertébrés (CBNFC-ORI) a donc lancé en 2017 un vaste projet de réintroduction de la Saxifrage œil-de-bouc dans son milieu naturel: il prévoit d’ici 2027 laréintroduction de plus de 10 000 individus.

Les étapes une à une…

Après des années de tests de culture en jardins botaniques (Besançon, Nancy, Mulhouse et Lausanne), les plants en conservation sont transférés chaque printemps dans un jardin d’altitude sur deux sites (dans le Haut-Doubs et les Hautes-Vosges) pour être acclimatés aux conditions extérieures de montagne. Ils y restent plusieurs semaines avant d’être acheminés sur leur site de réintroduction final lors de deux campagnes de plantation au printemps et en automne.

Délicatement plantés un à un sur site, les saxifrages sont ensuite très précisément géolocalisés à l’aide d’un tachéomètre afin de pouvoir suivre avec précision leur état de croissance.

Les premiers résultats sont plutôt prometteurspuisque le taux de survie des 600 plants installés en 2017 et 2018 sur cinq sites est aujourd’hui de 88%. Toutefois, le site de la dernière population naturelle constitue une exception et les résultats conduisent à relativiser cette réussite. En effet, les plants ont été exposés à des conditions climatiques plus extrêmes en 2018 (inondation printanière, sécheresse estivale, piétinements par la faune locale…), limitant les taux de survie de ces plants à 40% seulement. Le succès de cette opération reste donc encore aujourd’hui incertain…

Le mot des experts

Julien GUYONNEAU, & Justine AMIOTTE-SUCHET, botaniste et chargée de communication au Conservatoire botanique national de Franche-Comté-Observatoire régional des invertébrés.

Réintroduire: réagir face à l’urgence?

Lorsqu’une espèce est, tout comme la saxifrage œil-de-bouc, reconnue «En danger critique d’extinction», cela signifie que son avenir se trouve menacé à très court terme. Si rien n’est fait, l’espèce s’éteindra. Il est alors urgent de réagir pour tenter de la préserver et un plan national d’action peut alors être déployé. Dans un premier temps, des graines sont collectées pour permettre un repeuplement «artificiel» si les populations sauvages arrivaient à un seuil trop critique. Il s’agit d’une réintroduction de nouveaux plants en milieu naturel, auprès de ceux qui subsistent. Mais la réussite d’une telle opération reste très incertaine: l’acclimatation difficile des nouveaux plants, l’appauvrissement génétique et les conditions liées au changement climatique menacent le succès du projet. C’est pourquoi, avant que ces situations d’urgence ne se multiplient, il est essentiel de chercher à agir sur les causes de la disparition des espèces (dégradation de leurs habitats notamment) pour favoriser leur maintien naturel.