Depuis la loi Biodiversité, il n’existe plus d’animaux dits «nuisibles», mais notre façon de les considérer n’a malheureusement pas évolué.
La notion fait débat depuis fort longtemps, car elle n’est scientifiquement pas fondée. Il n’existe pas d’espèce nuisible. Même s’il peut avoir un impact négatif sur des activités humaines, tout animal joue un rôle dans un écosystème.
En août 2016, la loi Biodiversité a effacé ce terme de « nuisible » de la législation. Pour autant, cette réforme est purement terminologique et n’a rien changé sur le fond. C’est désormais l’expression « espèces d’animaux susceptibles d’occasionner des dégâts », ou « ESOD », qui prévaut. Les conditions de destruction de ces espèces ainsi que les règles de leur classement sont presque identiques. Les ESOD sont, comme les ex-nuisibles, soumis au piégeage et au tir en battue, sans aucun quota et à tout moment de l’année.
3 listes les déterminent. La plus importante, ministérielle, est établie tous les 3 ans pour le territoire national en fonction des recommandations des Préfets. Ce sont souvent les attentes des chasseurs, mais aussi le souhait de défendre les activités économiques (élevage) qui prévalent, dans une logique de destruction comme unique moyen d’action. Dans le contexte actuel d’effondrement de la biodiversité, et alors que les scientifiques ne cessent de nous alerter sur le caractère essentiel des écosystèmes et de leurs richesses pour notre propre survie, il nous faut impérativement passer à une logique inverse de conservation ! Détruire en masse les ESOD n’a pas de sens. Il faut s’adapter aux contextes locaux. Dans notre région, l’élevage de volaille dans la Bresse nécessite certainement des mesures particulières de protection vis-à-vis du Renard. Mais pourquoi classer l’espèce nuisible dans l’ensemble du département, comme c’est le cas actuellement ? Dans les prairies jurassiennes, ce prédateur des campagnols est utile à nos activités.
Pour réguler, encore faudrait-il connaître l’état de leurs populations, leur dynamique (taux de reproduction, taux de mortalité) et prendre en compte le fonctionnement des écosystèmes, notamment la prédation. Il serait aussi nécessaire de savoir combien d’ESOD sont tués chaque année. Nous sommes face un flou complet là où nous aurions besoin de données concrètes. De plus, certaines espèces sont à la fois classées nuisibles et gibier. Il faudrait supprimer cette double appartenance. Le Renard peut ainsi être tué pendant toute la période de chasse, tiré de juin à septembre et piégé toute l’année. Au moins 6 000 renards seraient détruits tous les ans en Saône-et-Loire d’après les chasseurs. Ce chiffre, sans doute incomplet et déjà exorbitant, paraît disproportionné par rapport aux réels dommages imputables à l’animal.
Par pure raison cynégétique et administrative ! Il est communément admis qu’un gibier est une espèce chassée pour être consommée. Or, de petits mustélidés comme la Belette, le Putois ou la Fouine qui font partie de la catégorie ESOD sont aussi classés gibier, ce qui n’a pas de sens. Il ne s’agit que d’un prétexte pour en détruire davantage. La réforme en trompe-l’œil des « nuisibles » devenus « ESOD » ne repose que sur un changement d’étiquette. De surcroît, les catégories ESOD, gibier et espèce protégée sont perméables. Ainsi, le Blaireau espèce gibier est traité et détruit en nuisible. Même les espèces protégées peuvent faire l’objet de dérogations pour être détruites, à l’image du Loup. Il faut complètement refondre cette législation et cette réglementation héritées des siècles derniers pour adopter une approche moderne et rationnelle à la lumière de l’enjeu central que représente la biodiversité.
Découvrez l’article de Patrick JANIN sur les nouveautés législatives concernant les nuisibles paru dans le n° 30 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature.