Publié le 7 février 2022
Petits mammifères adaptés aux conditions de froid extrême, les lemmings se révèlent d’excellents indicateurs des changements climatiques survenus au fil des millénaires et de ceux en cours aujourd’hui.
Les lemmings font partie de la grande famille des campagnols. Le terme s’applique à un ensemble d’espèces de rongeurs qui appartiennent à deux genres : Lemmus et Dicrostonyx. Ils sont essentiellement répartis autour du cercle polaire, mais les Dicrostonyx sont absents de toute la Scandinavie alors qu’ils se rencontrent jusque dans les îles canadiennes du Nord et au Groenland, contrairement aux Lemmus. Les lemmings se nourrissent principalement de mousses et se rencontrent en terrains steppiques, des plaines à la végétation rase. Ils pèsent en moyenne une petite centaine de grammes.L’analyse des dents, qui se conservent bien au niveau fossile et dont les ressemblances morphologiques permettent d’établir des liens entre populations, nous apprend que lors des périodes glaciaires et en particulier le dernier maximum glaciaire, il y a 20 000 ans, ils étaient nombreux en Europe jusqu’au sud de la France et de la Croatie.
Ce sont de très bons marqueurs des changements climatiques. Pour schématiser, plus il fait froid, plus leur présence sera possible. Leur répartition géographique a fluctué tout au long du Quaternaire* et de ses cycles glaciaires et interglaciaires.
Ils ont disparu de notre territoire il y a environ 15 000 ans. Pendant longtemps, les scientifiques ont cru que cette faune migrait en fonction de l’évolution du climat. En fait, les rongeurs ne migrent que sur de faibles distances. Lors des réchauffements, les espèces se sont localement éteintes et n’ont subsisté que dans les zones refuges les plus froides. Elles sont revenues à la faveur de nouveaux refroidissements par vagues successives, ceci étant confirmé par des études sur de l’ADN ancien.
Certaines parties saisonnièrement englacées de l’océan Arctique assuraient jusqu’à maintenant une connexion entre le chapelet d’îles du Canada et le Groenland. La fonte des glaces constitue clairement une barrière et un isolement qui va empêcher le brassage génétique, créant ainsi un « goulot d’étranglement » représentant un risque d’extinction pour les lemmings. De plus, par exemple, dans la baie d’Hudson au Canada et sur la péninsule de Yamal en Sibérie, on assiste à une remontée d’espèces d’autres rongeurs campagnols qui entrent en compétition avec eux. Les lemmings sont qui plus est dépendants de la qualité de la neige pour effectuer leurs déplacements à couvert dans la mesure où ils maintiennent une activité hivernale. Sans de vrais hivers neigeux, ils seront plus facilement prédatés.
En termes de menaces sur la biodiversité, on peut penser que les rongeurs ne sont pas les plus fragiles. À ce jour, les lemmings ne sont pas classés sur la liste rouge des espèces en danger. Pour autant, il s’agit d’animaux clés pour les écosystèmes arctiques et polaires. La réduction de leurs populations est susceptible d’engendrer de graves déséquilibres. Au Groenland, ils constituent la seule source de nourriture pour le Renard polaire et le Harfang des neiges*. Il faut donc être vigilant sur leur sort et adopter une vision globale dans les mesures de préservation et de conservation. L’approche doit s’inscrire à l’échelle des écosystèmes pour maintenir un équilibre, notamment entre les proies et les prédateurs.
Dans le n° 31 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature, retrouvez un article de Sophie MONTUIRE sur l’histoire évolutive des lemmings à travers les changements climatiques.
Harfang des neiges : espèce d’hibou des toundras.
Quaternaire : période géologique actuelle dont le début remonte à 2,5 millions d’années.