Alors que la ressource en eau se raréfie et que la préservation de sa qualité est plus que jamais prioritaire, la question de l’eau en forêt apparaît stratégique.
La pluie entre en contact avec la forêt à travers deux grandes zones d’échange : au niveau aérien, par les feuilles, et au niveau du sol, par les racines. Effet souvent méconnu assimilable à un « effet parapluie », une partie des précipitations est interceptée par le feuillage et s’évapore immédiatement. Cela concerne entre 15 et 30 % du volume des pluies pour les feuillus, et de 25 à 40 % pour les résineux, car ceux-ci ont une faculté d’interception constante du fait de leur feuillage persistant. Les sols forestiers reçoivent donc moins d’eau que les autres sols, mais ils sont en contrepartie mieux protégés de l’érosion. Par ailleurs, les sols forestiers ayant une meilleure porosité grâce à la richesse de leurs matières organiques et à leur activité biologique, ils ont une très bonne capacité à recharger les nappes d’eau souterraines. On note également un « effet pompe » : les arbres peuvent puiser l’eau dans le sol pour transpirer et se rafraîchir. En cas de sécheresse, ils interrompent ce processus en fermant leurs stomates*, ce qui ménage les réserves d’eau du sol.
L’eau est un enjeu inquiétant dans le contexte de changement climatique où les canicules et les sécheresses se multiplient et durent plus longtemps. Contrairement à l’agriculture, la sylviculture n’a pas recours à l’irrigation. Il s’agit donc d’adapter les exigences du couvert forestier, en laissant par exemple plus d’espace entre les arbres. On minimise ainsi l’effet parapluie, mais aussi les besoins en eau par une moins grande densité d’arbres. Dans cette même logique, le forestier peut aussi favoriser les feuillus ou les mélanges avec feuillus. Bien sûr, le choix des essences est central (opter pour le Chêne pubescent, plus méditerranéen, à la place du Chêne sessile, par exemple), tout comme la provenance des arbres (plantation d’arbres originaires du sud plutôt que de Bourgogne).
La forêt a naturellement un « effet filtre ». Elle a une forte capacité à retenir les éléments polluants. De plus, le couvert forestier protège les sols du ruissellement, ce qui limite le phénomène de turbidité (eau trouble). La gestion forestière s’étalant sur le long terme, elle perturbe le sol de manière bien moins fréquente que l’agriculture, ce qui a un effet positif sur la qualité de l’eau. Qui plus est, l’usage d’intrants en forêt est très faible, environ 450 fois moindre pour les herbicides par rapport aux grandes cultures. Même si le bilan est globalement positif, l’amélioration de la préservation de la qualité de l’eau reste un aspect qui doit s’intégrer aux bonnes pratiques du forestier.
Les engins forestiers tassent le sol, ce qui a un impact négatif sur le cycle de l’eau. Il est donc important de mettre en place des dessertes adaptées pour éviter une circulation anarchique. Il s’agit aussi de prévenir les risques liés à la pollution par hydrocarbures (modalités de stockage, kits absorbants en cas de fuite). Alors que rôle protecteur de la forêt est souvent perçu comme immuable, les menaces s’accentuent : dépérissements massifs, feux... Les acteurs de l’eau sont aussi concernés par l’adaptation des forêts au changement climatique ! Le CNPF* a créé des guides de recommandations pour la protection des captages d’eau à destination des forestiers. Il cherche aussi à développer des partenariats entre forestiers et acteurs de l’eau, car les actions de soutien sont encore trop rares dans ce domaine.
Sur le site Internet du CNPF, découvrez la brochure Des forêts pour l'eau potable : la forêt protège votre eau, ainsi que le dépliant Quelques conseils pour protéger et valoriser l’eau forestière qui présente les travaux menés par le CNPF depuis plus de 10 ans sur la protection des captages en forêts et des recommandations.
CNPF : Centre National de la Propriété Forestière, établissement public en charge du développement de la gestion durable des forêts privées françaises.
Stomate : petit orifice présent sur les feuilles permettant les échanges gazeux avec l’extérieur.