Alors que la 6e extinction de masse semble toucher tous les groupes vivants de notre planète, la question demeure pour la biodiversité des microorganismes du sol, dont l’étude en est à ses débuts.
Publié le 29 novembre 2021
D’un point de vue sociétal mais aussi scientifique, le sol n’a été pris en considération qu’à partir des années 1990. Auparavant, il était principalement appréhendé comme un support de production alimentaire. Il assure pourtant bien d’autres fonctions majeures : dépollution, régulation du cycle de l’eau, stockage du carbone… Les chercheurs ont récemment commencé à étudier la physique, la chimie et surtout la biologie du sol, considéré comme la 3e frontière biotique de notre planète après les fosses océaniques et les forêts primaires : sa biodiversité reste encore à découvrir. Au moins 30 % de la biodiversité du globe se trouverait dans le sol, pour seulement 10 % de cette biodiversité connue. Les microorganismes en constituent la majeure partie. 1 gramme de sol contient 1 milliard de bactéries et 1 million d’espèces.
Nous ignorons si la 6e extinction de masse touche aussi la vie du sol à défaut de données antérieures.
La France est le premier pays à avoir entrepris un inventaire national de ses sols. De 2000 à 2010, son Réseau de mesure de la qualité des sols a effectué un échantillonnage sur 2 200 sites recouvrant différents types de sols. Un Atlas français des bactéries du sol a été publié pour partager ces données avec un large public. En 2025, se terminera une nouvelle campagne d’échantillonnage qui permettra de dresser un bilan de l’évolution de la biodiversité. Nous pourrons en déduire l’impact de divers paramètres comme les modifications d’usage des terres ou le changement climatique.
Les usages industriels générant par exemple une pollution aux métaux lourds engendrent un effondrement des microorganismes. L’artificialisation des sols est aussi néfaste à leur biodiversité. Dans les sols agricoles, la diversité des bactéries semble supérieure, car celles-ci sont opportunistes et adaptées à des systèmes soumis à une perturbation intermédiaire, mais elles peuvent dans certains cas être pathogènes. De plus, les champignons y sont moins représentés, le sol perd en qualité, et les réseaux d’interactions complexes qui lient d’ordinaire les communautés d’organismes sont dégradés. Or ces réseaux sont essentiels pour la stabilité et la fonctionnalité de la biodiversité d’un sol. En France, aucun sol n’est mort. La vie s’y trouve toujours de façon plus ou moins importante. Il existe cependant un vrai besoin de protection juridique de la qualité des sols. L’agglomération dijonnaise est actuellement un territoire pilote en la matière. La mise en place d’une réglementation est programmée d’ici 2030 avant une possible transposition nationale.
Les scientifiques travaillent de plus en plus en lien avec les agriculteurs et viticulteurs dans une approche participative. Ils mettent à leur disposition des outils opérationnels de diagnostic pour analyser leurs sols et identifier avec eux quels seraient les itinéraires techniques les plus vertueux. Une baisse inexpliquée de rendements est observée par endroits et nous suspectons que l’altération de la biologie du sol en soit à l’origine. En veillant sur la biodiversité de ses sols, le milieu agricole ne cherche pas forcément à gagner en productivité, mais à assurer une durabilité de sa production. La transition vers des pratiques agroécologiques ne se fait pas par coercition, mais par sensibilisation, formation et convergence.
Faites connaissance avec les sols qui nous entourent grâce à l’Atlas français des bactéries du sol, aux éditions Biotope. Vous y découvrirez notamment une présentation des communautés microbiennes du sol, des explications sur la méthodologie d’échantillonnage et de nombreuses cartographies à l’échelle nationale.