Pour sauvegarder les pelouses calcaires, particulièrement riches en biodiversité mais menacées d’embroussaillement, le troupeau du CEN Bourgogne fait ses preuves depuis plus de 5 ans.
Le Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne (CENB) est une association gestionnaire de près de 6 000 ha d’espaces naturels, dont une majeure partie correspond à des espaces ouverts et semi-ouverts. Des agriculteurs partenaires assurent leur entretien par fauche ou pâturage, mais certains sites demeurent orphelins de gestion faute de solutions agricoles facilement déployables : pente, faible valeur alimentaire de la pâture, accès difficile, absence d’eau, fréquentation/multi-usage… Ces sites concernent principalement des pelouses calcaires, or celles-ci, héritières d’un agro-pastoralisme millénaire, ont subi depuis un siècle des pertes vertigineuses. En 1910, la Côte-d’Or comprenait à elle seule 40 000 hectares de pelouses calcaires. Aujourd’hui, il n’en subsiste que 8 000 sur toute la Bourgogne ! Pour relever ce défi de conservation, en 2014, grâce au financement du carrier Holcim, le CEN Bourgogne a mené une étude de faisabilité pour créer une régie pastorale
Lors de la phase-test débutée en avril 2015, le troupeau comptait 10 vaches Galloway, une race rustique facilement éducable, et 1 poney Konik Polski. Depuis, le nombre de Konik Polskia augmenté pour passer à 7, et 14 ânes et ânesses sont venus grossir les rangs. Ce troupeau rustique multi-espèces bovin/équin/asin assure un pâturage efficace et homogène du milieu en faveur d’une biodiversité optimale avec un nombre minimal d’individus dont il est aisé d’assurer l’éducation, la sécurité et la contention. La mixité permet en outre un assainissement permanent du troupeau par un mécanisme naturel de « cul-de-sac » parasitaire sans avoir recours à des traitements pharmaceutiques néfastes pour l’environnement. Cette mixité est directement inspirée de celle des troupeaux sauvages de la fin de Néolithique.
Le CENB pratique un pastoralisme de restauration : sur un pas de temps très court, le troupeau râcle, piétine, fertilise la végétation herbacée et ligneuse. Il en résulte une réouverture du milieu et une augmentation graduelle de la biodiversité. 120 hectares de pelouses calcaires sont ainsi pâturés chaque année, de manière itinérante, 365 jours par an, sur des entités d’une vingtaine d’hectares en moyenne répartis sur toute la Côte-d’Or. Les besoins et enjeux sont énormes et le seul troupeau du CENB ne saurait y répondre. Mais il a aussi une vocation d’exemplarité. Une fois la faisabilité du pâturage éprouvée sur un site, les éleveurs candidats sont encouragés à prendre le relais. Cela a par exemple été le cas sur la montagne des Trois Croix, au-dessus de Santenay, où la fréquentation touristique représentait un frein qui a pu être levé grâce à une cohabitation réussie, des aménagements spécifiques et un éleveur partenaire local convaincu.
En s’appuyant sur des données bibliographiques, le CENB a misé sur l’éducation de son troupeau. Cela a débuté par 8 jours intensifs de dressage des vaches, fondé sur le respect du licol et le non stress. Au départ, pour développer leur appétit pour toutes sortes de végétaux, les surfaces pâturées ont été limitées à 1,7 hectare. Ainsi contraints, les animaux ont été stimulés pour goûter à tout par un effet de concurrence. Une fois cet opportunisme alimentaire acquis, les surfaces et durée sont pu être étendues. L’écopastoralisme est un outil de gestion innovant, mais il repose sur une réalité à la base de la vie sur Terre : l’herbivorie. Ce dialogue perpétuel entre faune et flore concourt à la diversification des espèces et des paysages et encore aujourd’hui, il est garant d’un entretien vertueux et harmonieux des milieux.
Rendez-vous sur le site internet du CEN Bourgogne pour y découvrir toutes les actions de l’association : http://www.cen-bourgogne.fr. Vous pourrez y télécharger le n° 42 de sa revue Le Sabot de Vénus, qui a consacré un numéro spécial à l’arrivée du troupeau.