Si notre planète n’en est pas à sa première crise de la biodiversité, l’histoire naturelle met en relief la trajectoire probable et les particularités de la 6e grande extinction.
Elle se définit par son ampleur spatiale, sa vitesse et son impact : elle concerne une large partie de la planète ; elle est rapide, de l’ordre de 500 000 ans à 1 million d’années ; et elle frappe divers groupes biologiques. Réunis, ces critères se traduisent par une extinction de masse d’espèces. La géologie et la paléontologie nous apprennent que 5 grandes crises et une cinquantaine d’autres plus modestes ont déjà eu lieu depuis 500 millions d’années. Ce phénomène reste rare, puisqu’en moyenne, une petite crise survient tous les 10 millions d’années et une grande tous les 100 millions d’années. Chaque extinction de masse a toujours été causée par des facteurs multiples et ne s’est pas traduite par des hécatombes, mais par un déclin d’abondance : une baisse du succès reproducteur a conduit à ce que les espèces comptent de moins en moins d’individus, jusqu’à l’extinction.
La 3e extinction de masse est la plus grande connue, avec 90 % des espèces éteintes. Elle a été provoquée par d’immenses éruptions volcaniques qui ont modifié le climat et dont les conséquences ont été aggravées par une géographie des continents peu favorable. La 5e extinction a touché moins de groupes, mais des groupes clés des écosystèmes. Les dinosaures non aviens* ont disparu, laissant la place aux mammifères, et les ammonites aussi, au profit des poissons. Notre espèce étant complexe avec des exigences pointues (besoin élevé en oxygène, tolérance à une amplitude de températures restreinte…), elle est fragile et peut facilement être mise en péril. Les millions de décès prématurés annuels provoqués par les pollutions ou la baisse de la fertilité masculine européenne liée aux perturbateurs endocriniens nous montrent que nous sommes déjà affectés.
Oui. On note un déclin d’abondance partout dans le monde et parmi tous les groupes : amphibiens, oiseaux, insectes… La multifactorialité est également présente : pollutions, surexploitation des ressources, changement climatique, conditions propices au déplacement d’espèces exotiques envahissantes… Mais pour la première fois, une espèce en est la cause. L’autre différence réside dans la vitesse, 100 à 1 000 fois supérieure à celle des crises passées. Des événements qui se seraient déroulés en 100 000 ans prennent seulement 100 ans aujourd’hui. Nous suivons la trajectoire d’une 6e extinction, mais n’en sommes qu’au début, ce qui est une nouvelle encourageante pour agir. En revanche, si nous sommes loin du mur, nous devons freiner de toute urgence, car notre voiture roule dans sa direction à pleine vitesse. Or les systèmes biologiques ont impérativement besoin de temps pour s’adapter.
Construire la connaissance dans le domaine de l’histoire naturelle et la transmettre aux publics fait partie des activités traditionnelles du Muséum. Un nouvel axe est venu s’ajouter à notre projet : avoir un Muséum engagé qui amène les citoyens à prendre conscience de ce qui se produit et les pousser à agir. Nous publions des manifestes, établissons des conventions avec des radios pour prendre part au débat, proposons des tribunes, réalisons des expositions pour sensibiliser à la protection en valorisant par exemple la beauté et la dimension inconnue de l’océan… Chacun a une responsabilité individuelle et quelle que soit sa situation personnelle, il est possible de l’endosser : en consommant local, de saison, en diminuant ses déplacements…
Retrouvez un article de Bruno DAVID dans le n° 31 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature. Procurez-vous aussi son nouvel ouvrage, À l’aube de la 6e extinction, comment habiter la Terre, paru chez Grasset, qui dresse un constat scientifique sur la crise actuelle et propose une nouvelle façon d’habiter la Terre.
Avien : relatif aux oiseaux, qui représentent la classe des dinosaures aviens non disparus.